XVI Conclusion
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Les images de Gursky ont ceci de remarquable
qu’elles exploitent au mieux les possibilités offertes à la photographie
dans sa capacité à saisir les plus infimes détails rapportés à un ensemble
des plus global. Dans leurs ampleurs et leur volonté de dépasser le simple
constat documentaire, les photographies de Gursky ne sont pas sans évoquer
les photographies de Baldus. En atteignant autant qu’il est possible ce
statut d’images idéalisées, les photographies de Gursky font un pas de
plus, qui consiste à tisser un réseau de relations, relations entre ses
propres images qui forment alors des ensembles centrés sur des thématiques
au cœur de l’esprit du temps : l’architecture globale, les loisirs, la
société de consommation, l’environnement, les lieux de pouvoirs et d’argent,
mais aussi un réseau de liens avec l’histoire de l’art, du romantisme
allemand, à Turner, Pollock, Richter… et l’histoire de la photographie,
a travers l’influence de sa propre famille (photographie commerciale),
d’Otto Steinert, des Becher. De même, la photographie d’architecture issue
des magazines internationaux offre une synthèse d’influences provenant
à la fois de la Renaissance, du dessin d’architecte, de la photographie
documentaire du XIXème siècle, expérimentale, commerciale et industrielle.
Ces différentes influences parfois contradictoires, parfois subliminales
sont à l’origine d’images à la fois humbles (au service de l’architecte)
et spectaculaires et dont la rhétorique mériterait d’être davantage étudiée.
On peut reprocher à la photographie d’architecture l’esthétisation de
l’architecture, son absence de dimension critique, mais cela reviendrait
peut-être à reprocher à la photographie commerciale d’être commerciale.
L’un des aspects les plus intéressants reste sa dimension irréelle, comme
si le photographe cherchait à s’approcher au plus prés d’une vision désincarnée,
détachée des contingences matérielles auxquelles s’attachent le plus souvent
la photographie. C’est comme si à force d’être au plus proche de la réalité
dans son rapport du détail à l’ensemble la photographie d’architecture
s’écartait de ce qui était censé faire la spécificité de la photographie,
son indicialité, pour devenir à la fois vraisemblable et fictive.
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